
CONTRE’est un événement inexplicable, un symbole et une nouvelle pierre solide posée au cœur d’un Liban meurtri par la crise. Du 19 au 30 octobre, le Festival international et francophone du livre de Beyrouth rouvre ses portes après quatre ans de silence dans un format ambitieux et inédit. “Avant” le grand chaos, Beyrouth a accueilli pendant vingt-cinq ans la troisième foire littéraire et francophone du monde (après Paris et Montréal). Et puis il y a eu le trou noir. La tragédie du port et la crise universelle – économique, politique, sociale, sanitaire, monétaire, sécuritaire – qui frappent tous les Libanais, de l’ouvrier au bourgeois. Comme toutes les autres, l’industrie du livre est née sans sang. Phoenix est assommé, le Liban est à genoux, mais Sisyphe n’abandonne pas (encore).
A l’initiative de l’Ambassadrice de France Anne Grillo, de l’Institut Français du Liban, du Centre National du Livre et de tout ce que veut le pays du cèdre, le livre de Beyrouth renaît et entre en vigueur. De Gemmaize à Hamra, de Mar Michael à Mataf, Beyrouth, mais aussi Tripoli, Saïda, Baalbek, Jounieh et Tibni, plus d’une centaine d’auteurs de quinze nationalités (Fawzia Zouari, Fabien Toulme, Marie Darrieussecq, Didier Depontcoin-M Duruonod). Serge Bloch ou Ryoko Sekiguchi, Paul Constant, Philippe Claudel, Sharif Majdalani, Diane Mazloum, Sabil Gusoub ou Hayam Yared), mais aussi musiciens, artistes, comédiens, dramaturges et cinéastes se retrouveront pendant une dizaine de jours dans une trentaine de lieux culturels, écoles, collèges et universités. Toutes les réunions, tables rondes et conférences en français seront traduites simultanément en arabe et en anglais. Le tout gratuit. Comme toujours, le petit pays accueille les grands. Le Liban a toujours eu le goût et le talent de l’extravagance.
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Écrivain et avocat d’Alexandre Najar, responsable Est littéraire et auteur Dictionnaire de l’amour libanais“Ce festival représente un symbole très fort. Cela se produit après une interruption de quatre ans et au milieu d’une crise économique sans précédent. Cet événement, qui se déroule dans tout le pays et n’est plus dans la brume du passé, a redynamisé la vie culturelle et la francophonie, malgré les prix des livres importés, devenus inabordables en raison de la dévaluation de la monnaie locale. De nombreux écrivains et illustrateurs ont répondu présents, dont plusieurs membres de l’Académie Goncourt, malgré la polémique dérisoire créée par le ministre de la Culture libanais qui, pour couronner le tout, a voulu vérifier si les idées des invités étaient politiquement correctes, ce qui a provoqué un tollé. contre lui par une population plus que jamais attachée à la liberté d’expression*. Mais j’ose espérer que ce festival marquera le début d’une renaissance au Liban. “.
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“Parce que c’est vous, parce que c’est nous”, a déclaré Emmanuel Macron au lendemain de l’explosion du port. L’espoir a des racines étranges et puissantes chez les Libanais. En plein cœur du chaudron, ce festival résolument international et francophone est plus qu’audacieux, c’est un acte de résistance. Avec le langage, la musique, la poésie, la beauté. “Dans le jardin secret / Là où nous avons rêvé / L’orage a recouvert les feuilles”, a écrit Lady Cochrane, mémoire de Beyrouth, ardente défenseure de la culture et du patrimoine, décédée à 98 ans le 4 août autour d’un thé dans son palais. « Dans le jardin secret / Que nous avons fait / Le passé est une fleur que nous cueillons. Que cet événement rassemble et contribue au renouveau de mille morceaux du Liban à travers les livres.
Le 8 octobre, le ministre libanais de la Culture, Mohammad Mortada, a critiqué la présence d’auteurs “qui ont accepté dans l’esprit et la pratique les projets sionistes, les soutenant à la fois dans leur travail littéraire et dans leur vie quotidienne”. Cinq auteurs, dont des membres de l’Académie Goncourt, ont par la suite annulé leur participation, invoquant la “dégradation générale de la situation au Liban”.