
Livre. Dans le débat public, comme dans notre vie publique quotidienne, le chiffre est devenu une évidence. Quantifier, mesurer, évaluer, célébrer nous convainc que nous faisons « comme il faut ». A la fois statisticien et sociologue Olivier Martin, directeur du Centre d’études des relations sociales (Paris), enquête : Photo:, un livre court et puissant sur les origines de cette croyance. Cela vient surtout du fait que l’on confond allègrement chiffres et science, alors que la seconde a largement précédé la première. L’utilisation des nombres n’a pas toujours été une preuve de connaissance, et ces autres utilisations persistent aujourd’hui.
Les chiffres sont utilisés depuis l’Antiquité pour s’accorder sur la nature, la délimitation et la taille des objets que nous percevons, produisons, échangeons et jetons. Non seulement savons-nous ce que nous mesurons, comme le prétendent de nombreux auteurs annonciateurs de l’empire des nombres, mais nous ne mesurons que ce que nous acceptons de savoir. Il n’y a pas de chiffrement sans une convention de ce qui doit être chiffré. La définition des chômeurs précède le taux de chômage. la définition de l’intelligence précède la mesure du QI, et ainsi de suite.
C’est pourquoi, explique Olivier Martin, “Les nombres sont des objets politiques”.. Le mot “Statistiques” vient du mot “Etat”. un État doit compter des hommes pour lever une armée, des richesses pour lever des impôts, des territoires pour délimiter des frontières. Le marchand doit mesurer le temps nécessaire pour produire le produit, la distance pour l’expédier, la monnaie qu’il paiera pour ce temps de travail et de transport, et le prix auquel il doit le vendre pour assurer son profit.
Du cadran solaire à l’horloge atomique
L’exemple de la mesure du temps développé par l’auteur de manière passionnante est éclairant. Initialement associée au lever et au coucher du soleil, cette mesure variait considérablement selon les saisons et les latitudes ; la même heure n’a pas la même durée. Ce n’est que provisoirement, d’abord à l’échelle nationale puis à l’échelle universelle, que cette mesure a été historiquement associée à des instruments plus sophistiqués, du cadran solaire à l’horloge atomique, pour faciliter les échanges de biens, de données, de décisions ; La peinture, contrairement à la science, ne décrit pas la nature, mais la représentation que les sociétés humaines acceptent d’en avoir.
Dans ce critère, argumente Olivier Martin, il faut transformer le personnage en objet politique qu’il est réellement. Pas l’affirmation d’une preuve, mais la description partielle de ce qui est mesuré. Ici, il ne s’agit pas d’un complot criant et de la “fausseté” des chiffres qu’on nous dit, mais de nouvelles conventions, de discussions sur de nouveaux sujets, qui sont peut-être plus importants pour relever les défis de l’époque, et qui doivent également être mesurés ; toute l’exactitude scientifique nécessaire.
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