

Des employés de la Place du Marché (ex-Toupargel) manifestent devant le tribunal de commerce de Lyon, le 11 janvier 2023 (AFP/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK)
Report à vendredi, mais pas d’espoir de redressement : la liquidation judiciaire de l’entreprise de livraison à domicile de produits alimentaires Place du Marché (anciennement Toupargel) et de deux sociétés sœurs, soit 1.900 emplois avec tout, ne fait plus douter après une audience mercredi devant la tribunal de commerce de Lyon.
Saluée par les sifflets d’une centaine de salariés rassemblés devant le tribunal, la décision de délibérer en 48 heures a été justifiée par le président du tribunal par “l’importance du dossier et le nombre de salariés”, selon le secrétaire du Social et Comité économique (CSE) Wafaa Kohily (CGT).
Mais “il n’y a aucun espoir de guérison”, a-t-elle expliqué à la presse. C’est ce qu’a confirmé le président de l’entreprise, Brieuc Fruchon.
“Concrètement, notre priorité est de travailler à la préparation de cette liquidation et d’accompagner au maximum les salariés auprès des services de l’Etat, pour qu’ils reviennent au plus vite”, a assuré.
Mme Kohily a fait part de sa “colère” et du “désarroi total” des “1.600 familles qui vont se retrouver à terre” place du Marché, sans compter les 300 salariés des sociétés sœurs d’Eismann et de Touparlog.
“Le juge a été assez attentif aux différentes demandes concernant la protection des salariés. Nous demandons clairement d’être respectés dans notre dignité”, a relevé Mme Kohily, qui a demandé le versement d’une prime de licenciement supra-judiciaire de “100.000 euros”. par employé, en raison de l’héritage des Bahadouriens ».
Les deux frères Léo et Patrick Bahadourian, actionnaires de la florissante firme Grand Frais, avaient repris Toupargel en 2020 via la holding Agihold France, mais “n’ont pas daigné” être dans l’audience. “Encore une fois, le capital de certains vient avant les vies brisées”, a-t-elle déclaré.
Après le rachat, l’entreprise se rebaptise Place du Marché en 2021, avec l’idée d’étendre significativement son offre au-delà des surgelés, vers les produits frais et les produits d’épicerie. Certains produits distribués provenaient des mêmes fournisseurs que Grand Frais. Le projet visait également à accélérer les ventes en ligne, tandis que l’entreprise bâtissait son modèle sur la vente par téléphone.
– Client vieillissant –
Mais cette stratégie a échoué. « La moyenne d’âge de notre clientèle est assez élevée, beaucoup ont plus de 70 ans et n’ont pas accès ou ne savent pas se servir d’internet. Le changement de nom les a également dérangés. Et au final, la grande majorité est venue pour les surgelés », explique Lise Delaizé, déléguée CGT, télévendeuse depuis 24 ans.

Des employés de la Place du Marché (ex-Toupargel) manifestent devant le tribunal de commerce de Lyon, le 11 janvier 2023 (AFP/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK)
Une centaine de centres d’appels ont ainsi relié le territoire, notamment les zones rurales, d’où partaient une partie des livraisons à domicile, envoyées par trois plateformes principales.
“Pour beaucoup de gens en milieu rural”, la place du Marché “était aussi une dimension humaine”, a déclaré un ancien client dans une pétition qui a recueilli mercredi près de 12.000 signatures.
“Le modèle n’a pas évolué depuis 30 ans, depuis d’autres alternatives ont émergé, notamment la voiture. Même dans les zones rurales, les gens ont dessiné +un guichet unique+, où ils trouvent tous les produits nécessaires au même endroit. En plus, il y avait pas de renouvellement de la clientèle », observe Yves Marin, associé du cabinet de conseil Bartle, spécialiste des biens de grande consommation.
“Peu d’entreprises du secteur de la grande distribution ont vraiment réussi à passer au numérique. Les principaux succès du commerce électronique sont dus à de nouveaux acteurs”, confirme un autre consultant du secteur.
“Zone de prédilection pour des enseignes comme (celle du hard discount) Lidl, les zones les plus rurales sont aussi très sensibles au prix”, poursuit-il, tout en indiquant également la nécessité, dans la livraison à domicile, de respecter des horaires précis, selon auquel la start-up hollandaise Picnic, qui s’installe en France, se porte parfaitement.
Autant d’éléments contraires qui ont provoqué une baisse des ventes, qui sont passées de 271 millions d’euros en 2017 à 200 millions en 2021-2022.
La liquidation judiciaire, si elle se confirmait, entraînerait l’un des plus gros plans sociaux de ces derniers mois, après celui de l’enseigne textile Camaïeu en septembre (2.100 salariés) et les 1.200 suppressions de postes (sur 2.300) annoncées fin décembre à Scopel. . , groupe spécialisé dans les technologies de la communication.