

Les manifestations ont été moins fréquentes ces dernières semaines en Iran, mais la protestation reste vive après quatre mois de protestations, malgré une dure répression du régime qui a fait des centaines de morts et quatre pendaisons.
Le 16 septembre, Mahsa Amini, 22 ans, est décédée après avoir été arrêtée par la brigade des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire strict des femmes dans la République islamique. Si le souffle de révolte qui s’est emparé de l’Iran depuis lors ne s’est pas encore apaisé, il prend désormais des formes différentes.
“Les processus révolutionnaires impliquent généralement des phases de calme relatif et d’autres de tumulte”, commente Ali Fathollah-Nejad, politologue à l’Institut Issam Fares pour la politique publique et les affaires internationales de l’Université américaine de Beyrouth.
Avec la “réduction relative du nombre de manifestations”, l’Iran semble être “dans une impasse, ni le régime ni les manifestants ne peuvent s’imposer”, poursuit-il. Et d’anticiper de nouveaux débordements dus à la crise économique que traverse le pays.
“Avec la perte considérable de la valeur de la monnaie iranienne depuis le début de l’année, on peut s’attendre à des manifestations centrées sur l’économie, qui, comme le montre le passé, peuvent rapidement devenir politiques”, analyse M. Fathollah-Nejad, interrogé par AFP. .
Cela a augmenté le nombre de grèves et d’autres actes de désaccord comme l’écriture de slogans ou la destruction de pancartes gouvernementales, rapporte le site enqelab.info, qui surveille l’éventail des activités de protestation.
– “Des citoyens plus prudents” –
“Le soulèvement national est toujours vivant, même si la façon dont les gens expriment leur dissidence a changé en raison de la répression meurtrière des autorités à l’automne”, a déclaré Enqelab dans un communiqué transmis à l’AFP.
Selon l’ONG norvégienne Iran Human Rights, au moins 481 personnes ont été tuées et au moins 109 personnes risquent d’être exécutées en lien avec les manifestations, en plus des quatre déjà pendues. Téhéran revendique des centaines de morts, dont des membres des forces de sécurité.
L’ONU a également dénombré 14 000 arrestations lors de manifestations dont les revendications portaient initialement sur la fin de l’obligation du port du foulard islamique pour les femmes. Pour ensuite exiger la fin de la République islamique créée après la destitution du Shah en 1979.
Les manifestations ont simplement « reculé » car « les citoyens sont plus prudents », pointe Roya Boroumand, co-fondatrice du Centre Abdorrahman Boroumand, une ONG iranienne de défense des droits de l’homme : « mais elles n’ont pas pris fin ».
Témoin le rassemblement massif en janvier devant la prison de Rajaishar à Kajraj, près de Téhéran, au milieu des rumeurs de la pendaison imminente de deux condamnés à mort liés aux manifestations. Les deux hommes sont toujours en vie.
Le mouvement populaire « a changé le récit que la République islamique a imposé pendant des décennies aux Iraniens, qui ils sont et ce qu’ils veulent », a déclaré Boroumand.
Mais rien n’indique que Téhéran soit prêt à faire des concessions significatives. La répression pourrait même s’intensifier, comme semble l’indiquer la nomination à la tête de la police nationale d’Ahmad Reza Radan, un radical connu pour avoir réprimé les manifestations de 2009 contre des élections contestées.
– “Méfiance” au top –
Une décision qui ne peut que renforcer l’isolement de l’Iran vis-à-vis de l’Occident, alors que les pourparlers sur la relance de l’accord de 2015 sur son programme nucléaire ont été gelés. Les autorités iraniennes sont également furieuses que l’ONU ait lancé une mission d’enquête sur la répression.
Dans le même temps, Téhéran s’est rapproché de la Russie de Vladimir Poutine, autre État paria de l’Occident, en livrant à Moscou des centaines de drones, que l’armée russe utilise depuis des mois contre l’Ukraine.
Mais les premières divisions semblent apparaître au sein du pouvoir, alors que Téhéran n’a pas mobilisé tout son appareil répressif, malgré les effusions de sang, selon des observateurs.
Ce mois-ci, l’Iran a exécuté l’ancien vice-ministre de la Défense Alireza Akbari, qui avait obtenu la nationalité britannique après avoir quitté ses fonctions, pour espionnage pour le compte du Royaume-Uni.
“Un verdict inattendu” qui pourrait indiquer une “lutte pour le pouvoir” au sein de l’élite sur la manière dont sont gérées les manifestations, pointe Cornelius Adebahr, chercheur non résident au centre de recherche Carnegie Europe.
Alireza Akbari était considéré comme proche du secrétaire suprême du Conseil de sécurité nationale Ali Shamkhani et d’autres personnalités favorables à certaines réformes pour répondre aux plaintes des manifestants.
“Il y a des signes de fissures” au pouvoir, abonde Ali Fathollah-Nejad. Cette exécution montre qu'”elle méritait le manque de confiance de l’intérieur du régime”, insiste-t-il.