
Conseiller spécial du président François Mitterrand pendant dix ans, fondateur de quatre fondations dont Action contre la faim et Positive Planet, Jacques Attali publie Histoires et Avenirs de l’éducation chez Flammarion. Il attire l’attention sur le système éducatif qui est sur le point de s’effondrer et propose des solutions à court terme pour surmonter ce problème.
Pourquoi ce livre parle-t-il de l’histoire et de l’avenir de l’éducation ?
J’ai mis longtemps à écrire une série “L’histoire et l’avenir” sur un large éventail de sujets, couvrant tous les aspects de l’activité humaine. Musique, santé, océan, médias, alimentation, géopolitique, il y en avait 17 je crois. Il lui manquait l’éducation, et surtout la transmission, la matière centrale qui organise tout le reste.
Vous décrivez des systèmes éducatifs qui sont sur le point de s’effondrer dans le monde entier. Comment on est venu ici?
Tout d’abord, il faut savoir que la transmission des savoirs ne passait pas par l’école mais par la famille et le travail jusqu’au milieu du XIXe siècle, les puissants ne voulaient même pas que les gens acquièrent le savoir car cela pouvait s’opposer au système existant. L’école est arrivée récemment et aujourd’hui elle est complétée de deux manières : dans les pays du Sud avec la croissance démographique et le manque de fonds.
Il y a 100 élèves dans chaque classe en Afrique avec de nombreux enseignants non formés. Il y a aussi dans ces pays une force croissante contre les écoles issues des partis religieux, chrétiens et musulmans. Brisé par l’ignorance. Le deuxième danger de chute est l’accréditation de l’école avec la nouvelle technologie. Tous ces médias enseignent des choses que les gens ne savaient pas auparavant et sont maintenant disponibles en ligne.
En fin de compte, ils faciliteront directement une variété de technologies qui saperont et saperont les systèmes éducatifs tels que nous les connaissons. C’est un véritable tsunami numérique.
Vous faites référence à des problèmes importants qui n’ont jamais été résolus comme la répétition des déterminismes sociaux ou l’absence d’un lieu conçu pour les femmes. Pourquoi une série de lois n’a-t-elle pas réussi à le réparer?
Car la société est toujours très inquiète. Les politiciens veulent garder le système tel qu’il est. L’idée de faire confiance aux gens n’est pas facile à accepter dans une société qui est encore au milieu. L’Église catholique a pris le pouvoir aux IVe et Ve siècles pour diffuser le savoir en supprimant les savoirs latins et grecs, puis le monde a pris le pouvoir en supprimant le savoir chrétien.
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A chaque fois, il s’agissait de forcer quelque chose, pas de l’ouvrir. Pour avoir une éducation vraiment gratuite, vous avez besoin d’une société qui fait confiance et accepte que les gens puissent faire quelque chose que vous ne voulez pas qu’ils fassent.
Cette école n’est pas égale. Est-ce l’échec des réseaux d’enseignement primaire ?
La révision des classes maternelles dans ces zones par le président Macron est un pas dans la bonne direction mais n’aura d’effet que dans 10 ou 15 ans. Nous devons maintenir le rythme et nous avons besoin de moins d’élèves par classe. Il faut aussi des mesures sérieuses qui n’ont pas encore été prises et ne sont pas en passe d’être prises : un engagement pour la mixité sociale dans la société avec 25% d’élèves issus de milieux défavorisés dans toutes les classes, privées comme publiques. Il suffirait de donner des instructions.
Le navire a-t-il encore un but ?
La question qui se pose est son niveau. Pour avoir 90 ou 95% de réussite, on n’a pas élevé tout le monde au niveau bac, on a baissé le niveau bac au niveau de tout le monde. La question est de savoir ce qu’on enseigne et le niveau qu’on veut. Nous avons réduit les besoins parce que nous ne fournissons pas suffisamment de ressources pour former et nous avons des pertes de ligne gigantesques. Pour moi, c’est une question d’étape et non de méthode.
On parle de beaucoup d’erreurs en français et en maths. Doit-on mettre l’accent sur l’apprentissage de base?
Avant tout, il faut savoir qu’il va falloir apprendre pour la vie. Études terminées jusqu’à 16, 18 ou 25 ans. L’école doit accepter de rouvrir, comme l’université, et que chacun y retourne définitivement. Pour moi, les principales matières qui devraient être enseignées sont les sciences, des mathématiques aux sciences comme l’ingénierie, l’écologie au sens large et toutes les sciences naturelles, les arts sous toutes leurs formes, les valeurs – l’histoire, les religions, le monde – qui nous permettent de comprendre qui nous sommes.
Recommandez-vous également d’aller à l’école dès l’âge de deux ans ?
Si les parents n’ont pas le temps de surveiller leur enfant, je recommande de le faire mais j’interdirais les écrans jusqu’à 6 ans et je changerais les plans. Par exemple, je pense que la philosophie devrait être enseignée dès l’âge de 4 ans.
Futur : deux scénarios, le pire ou le meilleur
Dans la deuxième partie de son article consacré à l’avenir de l’éducation, Jacques Attali présente plusieurs scénarios. Le pire ou le meilleur. En premier lieu, l’effondrement du système éducatif se traduit par une oppression numérique sous la forme d’un asservissement de la liberté humaine. Dans un second temps, la communauté éducative peut au contraire placer ces nouvelles technologies dans un rôle d’évolution et de respect de la liberté et de l’égalité.
“J’ai très peur de la conjonction de ces deux événementsdit l’écrivain. La chute de l’école qui est remplacée au hasard par le numérique et la possibilité de naviguer, d’analyser ou d’apprendre automatiquement avec l’intelligence artificielle connectée directement au cerveau des élèves. Nous pouvons passer à cela et ensuite à certaines observations générales de la population.
Dans sa pratique exemplaire, Jacques Attali croit fermement à la beauté du système hybride avec une partie des cours en classe, l’autre à la maison. “Cette école allierait digital, physique, corporate mais, à mon avis, deux voies pour arriver à des résultats.”
Selon lui, l’éducation est l’un des “les premiers domaines que je décris comme la vie économique, la santé, l’hygiène, l’alimentation saine, les énergies renouvelables. L’expérience finlandaise montre qu’il y a des bonnes pratiques, beaucoup de belles pratiques émergent en France, de nouvelles voies se voient, on peut le faire” . , conclut-il.
Vous décrivez le problème de la profession enseignante internationale. Comment l’image du « totem » de l’école a-t-elle été corrompue ?
C’est mauvais parce que leur salaire est très bas, le nombre de personnes formées a augmenté, parce que les technologies offrent d’autres moyens de se former. La réponse est de prioriser, mieux enseigner et comprendre que l’enseignant n’est qu’un élément du système de transmission et qu’il doit travailler en collaboration avec la famille, le monde extérieur et le monde du travail. Il y a de très bonnes expériences dans ce sens.
Existe-t-il des systèmes éducatifs de référence dans le monde ?
Il existe des systèmes qui fonctionnent très bien mais qui sont menacés par le tsunami numérique. Le système finlandais comprend beaucoup d’égalité sociale : 15 élèves par classe, une grande confiance dans les élèves, pas de notes jusqu’à l’âge de 14 ans, pas de contrôle des enseignants, ils paient des enseignants comme des médecins et des avocats. Cette société fournit de nombreuses ressources pour l’éducation.
Heureusement, le système sud-coréen, qui classe dès l’âge de deux ans, a une très forte socialisation. Dans les deux cas, les résultats sont très probants. Nous avons pris le pire de ces deux systèmes : un peu de gueule de bois nord-européenne et une dominance à l’asiatique. Notre système devrait être moins axé sur la discipline et encourager la progression des élèves, la collaboration, le travail de projet et le plaisir d’apprendre.
Avons-nous besoin, pour cela, de plus d’autonomie pour les institutions ?
Probablement oui. Là encore, l’exemple finlandais fournit une bonne base avec plus de pouvoir pour les chefs d’établissement et la confiance des enseignants.
Le CNR de l’éducation, grande concertation locale auprès des élèves, des parents, des élus, des entreprises, initié par Pap Ndiaye, va-t-il dans ce sens ?
C’est un événement important. Tout ce qui crée un environnement éducatif est un pas dans la bonne direction. J’évoquais également les recherches menées à Drancy par l’enseignant Jérémie Fontanieu sur la relation quotidienne entre parents et enseignants.
Quelle est la caractéristique la plus importante de l’histoire de l’éducation ?
Les plans de Condorcet étaient étonnants. Ils n’étaient pas terminés mais c’était un grand innovateur. En leur temps, Quintilien, Rabelais, Montaigne ont eu de grands professeurs, comme Maria Montessori.