«L’Afrique est devenue un enjeu géopolitique»

Le sommet États-Unis-Afrique commence à Washington le mardi 13 décembre. Les dirigeants de 49 pays africains et de l’Union africaine ont été invités dans la capitale américaine pendant trois jours, où ils discuteront de sécurité, d’économie, de santé ou encore de changement climatique. Le sommet se tient à un moment où une guerre géopolitique mondiale se joue entre la Russie et l’Occident. L’Afrique est aussi le centre de cette guerre. Entretien avec le chercheur camerounais Paul Simon Handy, chef du bureau de l’Institut d’études et de sécurité (ISS) à Addis-Abeba.

RFI : On peut imaginer que les USA vont essayer de se renforcer, de renforcer leur influence sur le continent ? Pensons-nous à une coopération militaire spécifiquement au Sahel et en Afrique de l’Ouest ?

Paul Simon Handy : Oui, La tenue de ce sommetEn ce moment même, même s’il est prévu de longue date, c’est certainement un maillon de plus dans l’affrontement géopolitique qui se joue entre l’Occident et la Russie. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi une position, une ambition, de la part des pays occidentaux, et notamment des Etats-Unis, vis-à-vis de la Chine, qui a fortement accru son engagement en Afrique ces dernières années. Alors, oui, l’Afrique est devenue un enjeu géopolitique.

L’armée française a été chassée du Mali, la situation au Burkina reste incertaine, mais elle entretient des liens étroits avec le Niger et les pays côtiers. Les États-Unis sont un allié de la France, dans quelle mesure peuvent-ils jouer leur rôle sur le plan sécuritaire ?

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En août de cette année, les États-Unis ont publié une stratégie pour l’Afrique. Un document novateur dans le sens où, pour la première fois, on voit les États-Unis se présenter, définir des intérêts stratégiques en Afrique, développer une vision qui va au-delà des intérêts de stabilité à court terme, qui mèneront in fine aux États-Unis. . De nombreux pays occidentaux, notamment européens, en Afrique. La stabilité à court terme a conduit à des périodes de régimes autoritaires, notamment en Afrique, avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui. Ils tentent donc aujourd’hui de définir leur vision stratégique tout en restant un allié stratégique de la France.

Peut-il survivre au nouveau partenariat militaire ?

Absolument. Cependant, la demande de nombreux pays africains demeure. Vous avez vu, par exemple, en Éthiopie, comment l’absence de réponse des États-Unis a forcé le gouvernement éthiopien à former d’autres coalitions. Alors oui. La compétition s’est élargie aujourd’hui. Les États-Unis font face à des partenaires en Afrique qui n’hésitent pas à profiter de toute réticence tant de la part des États-Unis que de l’Occident.

Au-delà de l’aspect sécuritaire, il y a bien sûr l’économie, avec le Forum des affaires US-Afrique qui se tiendra parallèlement au sommet politique. Concrètement, à quoi peuvent s’attendre les pays africains ? Des engagements d’investissement ?

Déjà, les États-Unis doivent démontrer que leur volonté d’investir en Afrique n’est pas simplement une volonté de contrecarrer la Chine dans le programme massif d’infrastructures qui a tant stimulé l’économie africaine ces dernières années. Là, les Etats-Unis devront démontrer qu’il s’agit de faire plus que contrecarrer la Chine, mais qu’ils veulent investir en Afrique dans des secteurs que les pays africains considèrent comme stratégiques pour leur développement.

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Et pour cela, il y a des plans concertés, qui devraient être étudiés, qui permettront aux États-Unis, comme vous le suggérez, de démontrer leur bonne foi ?

Les Etats-Unis, comme de nombreux pays occidentaux, sont quelque peu à l’arrêt car, d’une part, l’Afrique est la plus riche en ses matières premières, notamment en énergies fossiles, même si elle possède d’énormes réserves de terres rares. Mais en même temps, il est important d’investir davantage dans les énergies propres. Ainsi, les États-Unis tentent déjà de se démarquer de leurs partenaires européens en essayant de promouvoir une sorte d’hybride entre énergie fossile et énergie renouvelable en Afrique. Les pays européens sont plus agressifs dans leur désir de mettre fin à l’exploitation des combustibles fossiles, et les États-Unis pourraient en bénéficier.

N’y a-t-il pas des attentes concernant le transfert de compétences, le transfert de technologie également ?

Si présent. Attentes particulières de l’Afrique, c’est bien à ce niveau : transfert de technologie, transfert de compétences. Face à la crise que pose l’accélération du changement climatique, il existe aujourd’hui un consensus sur le fait qu’il faut passer à une autre économie, moins énergivore, moins alimentée par les énergies fossiles. Or, les pays africains ont clairement exprimé la nécessité que la nouvelle économie ne se construise pas sur les bases du système économique mondial actuel, d’autant plus que les pays africains sont essentiellement des producteurs nets, sans valeur ajoutée, et que ce sont les pays occidentaux qui font la changements. Et le rendre industriel. Donc, pour les pays africains, aujourd’hui, l’attente est que oui, nous nous dirigeons vers cette nouvelle économie, mais à condition que les pays africains soient aussi des producteurs de valeur ajoutée. C’est une attente exprimée par la plupart des pays.

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Il sera aussi question de développement, de changement climatique, de sécurité alimentaire, de santé… De nombreux sujets importants ont été abordés lors de cet événement incontournable : Lors de ce sommet États-Unis/Afrique, les pays africains ont-ils des attentes concrètes qu’il faut suivre ? ? ?

Je ne pense pas qu’il y aura des attentes particulièrement concrètes. Vous savez, les sommets sont souvent de grands moments de relations publiques. Il s’agit pour l’Amérique d’adresser un message à son opinion publique autant qu’à l’opinion publique africaine. C’est la raison pour laquelle il existe des organisations de la société civile en dehors des hommes et des femmes d’affaires. Il n’y aura pas de grandes décisions, pas de grosses affaires, mais il s’agit d’envoyer une image aux États-Unis et à de nombreux dirigeants africains avec le locataire de la Maison Blanche, qui a toujours une valeur symbolique.

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