
Rappelles toi. Il y a cinq ans. Personne ne connaissait ni Wuhan ni Kherson… La France avait un jeune président et allait enterrer son “idole de la jeunesse”. Johnny Halliday est mort il y a cinq ans. Un défilé de motos Harley a descendu les Champs Elysées, un hommage national a été rendu à l’église de la Madeleine, des chaînes de télévision ont diffusé des hommages et des documentaires sur le chanteur dans une chaîne…
Tout cela ne vous semble-t-il pas bien loin en ce 5 décembre 2022 ? En ce cinquième anniversaire de la mort de Johnny, les hommages continuent bien sûr. Plusieurs œuvres rétrospectives sortent. Le concert emblématique de Bercy 1992 sera projeté dans certains cinémas Pathé, et surtout, une grande exposition réunit objets et musiques qui racontent la vie de Johnny.
Faites place à un héritage, le vrai
Cependant, les images de l’excès de respect accordé au chanteur aujourd’hui sont surprenantes. Et les “célébrations” de ce cinquième anniversaire semblent bien modestes. Pour François Julien, auteur Johnny, toute une vie., cette normalisation des sentiments « peut être une bonne chose. Pendant six décennies, Johnny Hallyday a occupé le devant de la scène, dans tous les sens du terme. Il a été le Français le plus photographié de ces soixante dernières années. Une fois mort, bien sûr, il a disparu des gens de cet endroit. La personnalité publique n’est plus. La musique reste. »
Amélie Schildt, auteur du livre Johnny, la Belgique dans le sang, a une analyse similaire. « Après sa mort et ses funérailles, nous sommes rapidement passés aux questions d’héritage. Son image a été ternie par la guerre entre ses enfants et Leticia. Quand je parle de Johnny, on me dit souvent “mais au fait, comment s’est terminée cette histoire ?” On a moins parlé de son héritage musical pendant cinq ans. Mais aujourd’hui, les gens sont prêts. On voit que ses tubes passent toujours à la radio tous les jours. Il acquerra un statut à la Aznavour. »
Au lieu Allumer le feu Où? Je te promets ?
Mais là encore le souvenir semble flou chez les Français. Chanteur, star de la diversité ? Rocker impénitent. Qui est Johnny ? Et si l’on regarde les rééditions d’albums organisées pour le cinquième anniversaire de sa mort, il n’y a vraiment aucune tendance en vue. Les CD qui se vendent le mieux sont encore et toujours ses plus grands succès. “Le grand public se souvient des années du Stade de France Allumer le feu, pense Amélie Shield. Viennent ensuite les grandes chansons de Michel Berger puis de Jean-Jacques Goldman. D’où des hymnes de stade et des standards de la variété française.
“Il incarnait le rock et en même temps déchirait François Julien. Eh bien, le rock, c’est tout et rien… Il se balançait pour vivre et fantasmer sur une Amérique qui n’existait pas. En dehors de la musique, je pense qu’on comprendra petit à petit qu’il était aussi un grand acteur. À cet égard, il a eu une carrière plus intéressante qu’Elvis. »
Johnny Pharaon
En prévision de la rétrospective Johnny Hallyday à la Cinémathèque française (une vraie idée !), deux événements célébreront le chanteur-acteur dans les prochains jours : un documentaire très intimiste sur M6, avec des témoignages et des images inédites fournies par Leticia Halliday. Et une grande exposition pharaonique organisée – ça ne s’invente pas – par la même société que Blockbuster Toutânkhamon, trésor de Pharaonexposé en 2019 à La Villette.
Il a d’abord ouvert à Bruxelles, il passera par Paris à partir de janvier 2024 dans le Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Là aussi, c’est possible grâce à Leticia Halliday, qui a fourni de nombreux biens intimes de Johnny : motos, guitares, matos, disques… On n’en avait donc pas vraiment fini avec Johnny. « Il faut voir les participants, selon Amelie Schildt. Pendant ce temps, Leticia Halliday est sur tous les fronts, elle s’invite partout, les médias la déchirent. »
Laeticia au travail
Avec Laura Smet et David Halliday relativement discrets depuis quelques années, et des filles Jade et Joy toujours moins exposées aux médias, Leticia est donc encore seule en place pour célébrer la mémoire de Johnny.
C’est un juste retour pour François Julien. La mémoire de Johnny est entre les mains de Leticia pour une raison très simple, c’est elle qui a réinventé l’artiste. “Au cours de l’histoire de l’héritage, elle a été transformée en méchante de Walt Disney, la méchante belle-mère. C’est le syndrome de Yoko Ono. Mais il ne faut pas oublier que c’est lui qui a fait de lui un chanteur et un homme branché. Avant qu’il ne reprenne la carrière de Johnny, les intellectuels ont bougé le nez en entendant le nom de Halliday. Il a également fait d’elle une chanteuse qui gagne de l’argent, alors qu’avant, elle était à jamais fauchée. Sans oublier qu’il lui offrait une vraie vie de famille. »
La Belgique de coeur
Dès lors, s’il faut attendre encore un peu pour vraiment apprécier le poids de la mémoire de Johnnie Halliday dans le coeur des Français, Amelie Schildt souligne qu’en Belgique le chanteur a une cote du tonnerre. “Les Français ont l’impression que John leur appartient, mais les Belges sont heureux de pouvoir se souvenir qu’il était aussi à moitié Belge. Depuis ses premiers concerts ici dans les années 1960, il s’est construit une clientèle fidèle. Le sentiment était fort ici aussi, au moment de sa mort de nombreux Belges se rendirent à Paris pour lui rendre hommage. »
Le spécialiste du Taulier est heureux de voir que l’histoire d’amour entre les Belges et Johnny s’est apaisée aujourd’hui. “C’est depuis longtemps à la mode de se moquer de lui. Combien de fois me suis-je dit des blagues idiotes alors qu’il était dans le coma… “Alors on va chanter le feu à ses funérailles ?” Après sa mort, tout a changé. Beaucoup de gens ont vraiment découvert sa vie et sa musique à cette époque et ont réalisé qu’il était une personne incroyable, tout simplement. Derrière le barnum qui l’entourait se cachait la simplicité d’un homme fidèle et bon. »
Même si les marches de la Madeleine ne se couvrent pas de roses blanches pour cet anniversaire, même si aucun cycliste ne descend les Champs-Élysées en cortège funèbre, et même si JT ne sort pas d’édition spéciale, Johnny Hallyday est bel et bien encore rappelé. “C’est un personnage extrêmement complexe, dont on n’en finira jamais, pense François Julien. En même temps Johnny est là, c’est quelque chose qui existe qui représente la France, même si on ne l’entend pas tous les jours. »