
Vieux ordinateurs, manettes, cassettes ou disquettes… Jusqu’au 17 décembre, une exposition présentée à la médiathèque de Basse-Goulaine, près de Nantes, plonge les visiteurs dans les débuts de la micro-informatique. Toutes les pièces sont prêtées par Jérôme Lefranc, collectionneur passionné de répliques et habitant de la commune. Une petite visite guidée par un ingénieur de 54 ans, en Retour vers le futur.
Quand est née votre passion pour l’informatique ?
J’ai découvert cet univers au milieu des années 80 avec mon premier ordinateur, le Thomson MO5. Nous avons pris des émissions dans des magazines, comme Hebdomadaire, et on recopiait patiemment les lignes avec le clavier pour en faire des jeux. Sur les consoles de l’époque, comme l’Atari 2600 ou la Pong, c’était presque impossible, alors que sur l’ordinateur, c’était un peu plus et surtout, on pouvait le concevoir soi-même. Comme moi, beaucoup de jeunes ont trouvé du travail en utilisant des ordinateurs de cette façon.
Comment fonctionnaient les ordinateurs à l’époque ?
Ils n’avaient pas d’écran, car c’était trop cher : ils prenaient donc la forme d’un gros boîtier avec un clavier, qu’il fallait connecter à la télévision par une interface péritel. Pour stocker les programmes et les jeux, il n’y avait pas de disque dur mais des cassettes à bande, qui se glissaient dans le lecteur. Il n’était pas fiable et lent à charger, mais beaucoup moins cher qu’un lecteur de disquette. On peut connecter une manette, comme celle-ci sur un joystick rustique, ou même un simple stylet, l’ancêtre de la souris. Vous posez la pointe directement sur l’écran, comme un stylo ! Il fallait lever la main, et ce n’était pas très clair.
Vous avez 100 machines lancées dans les années 80, dont 40 très différentes…
Ce que je trouve le plus intéressant à cette époque, c’est l’explosion de la créativité. De nombreux fabricants se sont lancés dans la fabrication d’ordinateurs, avec quelques innovations bien sûr, mais toutes originales. En 1981, il en coûtait 7 000 francs pour le Thomson TO7, le premier ordinateur français. Mais avec la concurrence, le prix a vite chuté : l’année suivante arrive la Sinclair ZX81 qui coûtait moins de 1000 francs, si vous la collectionniez vous-même. Les graphismes étaient en noir et blanc et avaient très peu de mémoire. Mais c’était un moyen pour les familles qui voulaient avoir accès aux ordinateurs.
Comment ces choses ont-elles changé au fil du temps ?
Cette grande explosion a duré jusqu’en 87 lorsque le crash du micro-ordinateur s’est produit. Le problème était qu’il y avait beaucoup de concurrents et d’ordinateurs qui n’étaient pas compatibles, même sur le même modèle. Puis vinrent les consoles de jeux japonaises, supérieures en termes de musique, de graphismes et peu coûteuses. Et en 88, l’arrivée des ordinateurs dits compatibles PC, qui se ressemblaient tous : boîtier beige, clavier beige, écran cathodique. Les premiers micro-ordinateurs sont rapidement devenus obsolètes et ont été vendus à bas prix dans des journaux gratuits. J’en ai même trouvé à la déchetterie ! Je voulais conserver le patrimoine de cet ordinateur, pour leur montrer de temps en temps. Quarante ans plus tard, beaucoup travaillent toujours.
Pouvez-vous nous parler d’autres modèles de votre collection ?
J’ai plusieurs ordinateurs fabriqués en France. La marque la plus connue est Thomson, qui a remporté l’appel d’offres du “Plan informatique pour tous” lancé en 1985 par Laurent Fabius, alors Premier ministre, pour équiper les écoles en matériel informatique. Mais il y avait aussi ExelVision à Sofia Antipolis qui produisait des équipements infrarouges, ou Matra-Hachette, près de Strasbourg. Je peux aussi vous parler du premier PC portable compatible Atari, en 89. C’est un peu l’ancêtre des organiseurs, on y met son répertoire, des notes… Il y a un “fait intéressant”, c’est qu’on le voit à l’intérieur. Terminateur 2, lorsque John Connor frappe un guichet automatique. J’ai aussi le premier ordinateur portable sorti en 1982. Ce produit japonais (Epson) a un petit écran LCD, une batterie et même une imprimante thermique intégrée !