“L’espion qui aimait les livres”, un inédit de John Le Carré

C’est un roman écrit dans les années 2010, mais jamais publié. On pourrait évidemment se poser des questions sur les raisons qui ont poussé John le Carré à le garder sur son étagère. Son fils, qui vient de reprendre la publication, se dit hésitant en raison de son contenu, très critique à l’égard des services de renseignement dont il est connu pour avoir appartenu dans sa jeunesse. Cependant, nous avons lu L’espion qui aimait les livres. Et qu’il est très bon.

L’intrigue se déroule dans la petite station balnéaire du Suffolk à l’est de l’Angleterre. Et l’ouverture met en scène un jeune marchand devenu libraire, Julian, et un vieux monsieur un peu bizarre qui fait le tour de la librairie sans rien acheter, Edward.

L’homme est clairement cultivé et dit à Julian qu’il connaît son père, qu’ils sont allés à la même école.

Julian est intrigué par cet homme qui propose de créer un lieu privilégié au sous-sol de la librairie qui proposera une sélection des plus grands textes de l’histoire de la littérature et de la pensée. Une belle idée qui tente Julian, compliqué par une longue absence de l’école.

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Julian contacte Edward, apprend qu’il est d’origine polonaise, qu’il était à Belgrade en pleine guerre de Bosnie. Et bientôt il se demande qui elle est vraiment et ce qu’elle attend de lui…

Un roman construit sur deux fils alternés

D’abord, il y en a un avec Julian et Edward, et un autre qui se concentre sur un homme que nous voyons au début du roman présider le 21e anniversaire de ses deux jumeaux dans leur immense maison à Stewart Proctor, Berkshire.

Sous ses dehors, en bon père de famille de bonne famille, se cache le chef du renseignement intérieur britannique, issu d’une lignée où l’on compte nombre de juges, d’avocats, de médecins et… d’espions.

Les deux fils narratifs vont évidemment se croiser quand on se rend compte que Proctor est à la recherche d’une taupe impliquée dans la fuite d’informations particulièrement sensibles…

J’ai vraiment apprécié ce roman pour sa grande précision, sa narration délicatement organisée, chaque élément de l’intrigue parfaitement arrangé.

Pour ses dialogues épicés, la netteté du regard, les portraits rapidement esquissés. Pour son enthousiasme et son humour souvent sanglant, dont l’auteur ne se départit jamais. Pour son écriture, élégante, fluide, d’une merveilleuse clarté. L’Espion qui aimait les livres est une sorte de résumé de l’art de Le Carré. Et le plaisir de la lecture est sans fin.

Un roman très critique des services de renseignement

Le Carré pointe les failles du système, les défaillances de la hiérarchie, le manque d’efficacité des services, le cynisme des agents peu sensibles aux effets secondaires de leurs actions.

Le roman met en scène plusieurs vieux espions pour la plupart désabusés. Et on y retrouve toute la mélancolie qui imprègne toute la création. Ce sentiment de désespoir alimenté par la fin de la guerre froide, l’espoir d’un nouvel équilibre mondial a été rapidement anéanti sous la domination des grandes sociétés commerciales.

Le problème, mon ami, c’est se confie à un espion à la retraite que Proctor est allé consulter, Nous n’avons pas vraiment fait grand-chose pour changer le cours de l’histoire, n’est-ce pas ? Je vous dis vieux espion vieux espion. Je pense que je serais plus utile pour diriger un club de scouts. »

Outre les services de renseignement, Le Carré ternit l’intégralité de la politique étrangère britannique, en particulier sa soumission aux États-Unis.

L’espion qui aime les livres Edité aux Editions du Seuil par John le Carré



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