
Publié le 1 novembre 2022 à 12h10
Il y a un petit côté dans le nouveau roman d’Alice au pays des merveilles de Claudius Hunzinger qui se bat pour Renaudot, Médicis et Femina. C’est comme si dès les premières pages du Chien à ma table le lecteur suivait le lapin blanc de l’auteur dans le trou et tombait, tombait, atterrissait dans un monde à la fois merveilleux et effrayant. Les derniers poètes.
Sophie, une écrivaine qui ressemble beaucoup à Claudie, vit avec son compagnon Grieg dans une cabane isolée en lisière de la forêt vosgienne appelée les Bois-Bannis. Les deux « Vioks », comme ils se décrivent, vivent à l’écart du monde, en communion avec la nature. Quand Sophie n’écrit pas, elle se promène dans la forêt, les prairies et les montagnes. Grieg passe son temps dans sa bibliothèque transformée en salle à dévorer des livres et n’en sort presque jamais. C’est l’écrivain qui “sort de la forêt” et achète des biens de première nécessité dans la ville la plus proche. Il prend parfois le train vers les grandes villes pour faire la promotion de ses livres.
Un troisième personnage s’invitera à leur table, un petit chien en fuite, maltraité par son maître, en manque de soins et d’amour. L’animal offrira un bonus de bonheur dans le ménage, rapprochant les personnes exclues de l’interdit de leur environnement. Alors que la planète est en feu et tourne tout autour, le fragile écosystème des Bois-Bannis résiste. Le trio forme un tout avec les animaux, la forêt, les moraines… Sophie va jusqu’à se confondre avec les arbres dans une course folle qui lui ramène son troupeau.
force tellurique
Ici les plaisirs de la vie sont de dormir avec trois mi-hommes, mi-bêtes, entourés de grands livres, écoutant la pluie qui tombe, mangeant des baies sauvages, regardant le ciel prendre les couleurs du feu du soir et du matin, observant les oiseaux, s’étirant dans des prairies soyeuses… Dans un langage magnifique, Claudie Hunzinger nous raconte ces instants de grâce où l’on est animé par la puissance tellurique, conscient du moindre brin d’herbe qui vibre.
“Le Chien à ma table” déambule, alterne histoires et souvenirs, réflexions sur le féminisme ou l’écologie, dresse de magnifiques inventaires d’animaux, de plantes et de paysages… C’est aussi un hymne à la tendresse d’un couple libre et insoumis, résistant aux les ravages de l’âge et les ravages du temps. : Quand on invite autant de fées à sa table, on ne peut qu’écrire un livre merveilleux qui mérite pleinement une récompense pour tout le bonheur qu’il nous offre.
Un chien sur ma table
roman français
Par Claudie Hunzinger
Grasset, 288 pages, 20,90 €